Témoignage de Jean-Claude Penchenat

Mon cher Michel, tu dois sourire en me regardant de cet œil tendre et malicieux que nous te connaissons devant cette rude épreuve qui m'attend : avoir à parler devant ta famille et tes amis réunis, de plus de quarante années de complicité affectueuse que nous avions si bien résumées dans ce livre , le tien avant tout, que nous avions présenté aux amis il y a un peu plus d'un an maintenant en septembre 2015.

Pendant plus de trois ans, quasiment tous les jours, tu t'étais appliqué à retracer un parcours qui te tenait particulièrement à cœur : celui des différentes équipes " les bandes " qui avaient constituées  tour à tour l'histoire du Théâtre du Campagnol.

J'apportais ma mémoire, les documents et toi dans ta chère campagne du Perche, où pour te distraire de ton travail tu jardinais ou tu chantais Brassens en t'accompagnant à la guitare aux vaches des près alentours, tu organisais, tu maîtrisais, tu peaufinais cet ouvrage que tous ici sans doute nous avons feuilleté et re-feuilleté avec émotion. 

Ce livre c'est  tout toi : ta fidélité en amitié, ton imaginaire, ta constance quand tu avais fait un choix, ton acharnement et tes doutes, ton pessimisme quelquefois dont il fallait te persuader qu'il était infondé, ton indépendance, ta fantaisie surtout...ton humilité aussi, pas une once de narcissisme...naturellement tu n'étais jamais plus à ton aise que dans une équipe où les anciens côtoyaient les "petits jeunes" avec qui immédiatement  la complicité s'installaient : tout particulièrement ceux de Coïncidence, un de tes spectacles préférés. Tu les initiais à l'esprit de troupe, celle du Campagnol que tu avais rejoint, un peu par hasard peut-être à cause du voisinage Sceaux-Châtenay ?

Quand une nouvelle aventure ne t'emballait pas tu reprenais ta liberté, tu me le disais simplement dans une belle lettre et tu retournais vers tes chantiers ou tu t'impliquais avec le même bonheur et la même minutie.

Le même engagement pour tes chantiers : construire une bibliothèque, refaire un appartement  ou participer à l'aménagement  de la Cartoucherie juste avant 1789, avec Le Soleil. C'est là que nous nous étions connus  et ou notre complicité d'acteurs avait commencé , la même que plus tard pour inventer sous ma nouvelle casquette de metteur en scène , avec les compagnons co-auteurs Le Bal ou les Sept Familles, passer de Goldoni a Shakespeare, de Grumberg  à Cerami ou à Myriam Tanant, s'amuser jour après jour à inventer, douter, reprendre puis trouver et réinventer en jouant. Je pourrai évoquer aussi les tournées comme celle des Marivaux un de tes auteurs favoris, où tu étais particulièrement heureux de réunir ton goût du voyage et celui du jeu, de découvrir avec les copains l'Islande, le Mexique, le Canada, Haïti, la Nouvelle-Orléans, New-York…ton élégance en scène, ton ironie, ta complicité...mais j'arrête les compliments, tu n'aimerais pas…

Jusqu'au bout tu es resté lucide et tu gardais intacte la mémoire de ces instants précieux que tu évoquais avec ceux d'entre nous qui te retrouvaient.

Alors cher compagnon, c'est l'adjectif qui te convient le mieux, je te salue et t'embrasse une nouvelle fois. 

 

Jean-Claude PENCHENAT

 



 

Témoignage de Hélène Phillipe

Il y a déjà bien des années, nous avions découvert Michel et moi que nous avions le même plaisir à lire les romans de l’écrivain John Fante. Je me suis inspirée de quelques extraits des récits cet auteur, pour écrire cet hommage à Michel.

Merci pour tout Michel.

Merci Michel pour avoir existé sans avoir demandé la permission à quiconque.

Merci pour avoir fait entrer l’humour, le rire fou, dans notre monde de théâtre que je vivais avec tant de sérieux, trop de sérieux.

Merci pour nous avoir accompagnés, en répétition, dans les coulisses puis sur les plateaux, en partageant les petites manies de chacun, les trouilles au cul, les fous rires, les engueulades éphémères, sans préjugés ni cruautés d’aucune sorte.

Merci pour les belles heures de discussion où, soudain grave tu t’interrogeais sur le monde.

Merci pour nous avoir fait partager tes passions : ta passion de la mer, du goût des oursins qu’on ramassait en Méditerranée, de la navigation au sextant, des passes difficiles sur les mers agités de l’Atlantique nord, et du raz Blanchard, …

Ta passion des avions, et tes explications, plans à la main, à propos de celui que tu construisais dans le hangar de la maison du Perche,… tu avais même construis le hangar aux dimensions exactes du fuselage !

Ta passion de la bonne cuisine, tes facéties de repas improvisés dans les chambres d’hôtel, où le rebord de fenêtre tenait lieu de gazinière pour éviter les odeurs, ou encore les fêtes  toujours magnifiques qu’avec Mini vous organisiez à Sceaux pour tous vos amis,…

Ta passion de la guitare et de Django Reinhardt, des chanteuses de Jazz et de la musique en général toujours présente dans les spectacles du Campagnol.

Merci pour les meubles que tu as construits pour le foyer à Corbeil !

Merci pour tes blagues dans les trains ou les avions, qui rendaient le voyage moins long.

Merci d’avoir bravé le veau marin de l’hôtel de Martigues, rendant possible les bains de minuit après la représentation.

Merci pour le comte Lasca, pour Trivelin et Iphicrate, pour le savant du Chat Botté, pour monsieur Barbier des Chapons, pour l’Héritier de village, pour Jean, le mari des Vacances, pour le vendeur du Moulin de la chanson et pour le duc de Guise, et tant d’autres encore…, Merci pour « poche », et « j’veux bien , oui … ». Nous tous qui avons été tes partenaires nous te remercions, mais s’ils le pouvaient eux-mêmes, bien des auteurs le feraient directement : Tchekov, Monnier, Vitrac, Shakespeare, Goldoni, Audiberti et Pirandello, et bien d’autres encore… les deux Jean-Claude, et Myriam peuvent le faire eux…

Merci Michel, merci pour tout.

Et maintenant comme ce personnage de John Fante perdu dans le désert, qui cherche la mer en s’exclamant : j'ai beau marcher et marcher, il n'y a plus que la terre qui s'étend à perpète jusqu'à l'horizon, qu'est-il advenu de la mer ?? Et pourtant la mer est là-bas derrière, derrière ma tête, dans le réservoir de la mémoire.

Oui, comme ce personnage, j'ai beau marcher et marcher, je pourrais marcher un an, cinq ans, dix ans comme ça en cherchant ta présence, Michel,

Et, en vérité je me le dis : qu'est-il advenu de Michel ?

Et, comme ce personnage, je réponds : Michel est là-bas derrière, derrière ma tête, dans le réservoir de ma mémoire.

Nous sommes nombreux, partenaires de plateau et spectateurs à te savoir ainsi, à te percevoir, là dans le réservoir de notre mémoire…

Je vais rentrer ce soir en Normandie, pas dans le Perche, plus à l’ouest, mais quand même en Normandie. Triste dans le soir humide de la Normandie.

Les vallons de là-bas te garderont à présent Michel. Qu'ils te cachent bien, ces vallons ! Que tu puisses t'en retourner à la solitude intime de ces vallons. Que tu puisses vivre avec les pierres et le ciel, avec le vent dans les cheveux jusqu'à la fin, en devinant la côte et la mer plus loin,

En devinant Mini, Julien, Marc et leur famille à chacun, tout proches. Ta sœur Hélène et toute ta famille…

Et tes ami(e)s, Michel, tous tes ami(e)s de théâtre tout proches eux aussi.

Oui, pars comme ça Michel. On reste avec toi, car on sait que tu es là, tout près, bien.

 

Hélène PHILLIPE

 



 

Texte de Charles Péguy lu par Geneviève Penchenat

" La mort n'est rien. Je suis seulement passé dans la pièce à côté. Je suis moi. Vous êtes-vous. Ce que nous étions les uns pour les autres, nous le sommes toujours. Donnez-moi le nom que vous m'avez toujours donné. Parlez de moi comme vous l'avez toujours fait. Continuez à rire de ce qui nous faisait rire ensemble. Riez, souriez, pensez à moi, priez pour moi. Que mon nom soit prononcé comme il l'a toujours été, sans emphase d'aucune sorte, sans trace d'ombre. La Vie signifie tout ce qu'elle a toujours signifié. Elle est tout ce qu'elle a toujours été. Le fil n'est pas coupé. Pourquoi serais-je hors de votre pensée simplement parce que je suis hors de votre vue ?

 

Je vous attends. Je ne suis pas loin, juste de l'autre côté du chemin.

 



 

Témoignage de Marc Schapira

Cet homme là... Pour Michel  Paris le 9 mars 2017

Cet homme là... qui s’avançait dans la vie simple, élégant, au  charme profond n’aimait pas paraître, les beaux vêtements lui importaient peu sinon les beaux costumes de théâtre bâtis avec l’amour de l’art.
Cet homme là... avait une belle voix avec de beaux graves et il aimait le jazz et les chansons de Mc Orlan.
Cet homme là... avait le regard malicieux et il aimait bien rire avec ses compagnons de jeu c’était un merveilleux complice.
Cet homme là... aimait la mer et les bateaux le ciel et les avions et le théâtre  c’est dire combien il aimait les voyages.
Cet homme là... jouait sur le théâtre détendu et concentré, avec un engagement tranquille comme il pilotait son avion comme il barrait son bateau.
Cet homme là… a joué au théâtre pour l’aventure humaine cela je peux en témoigner  il était si fraternel attentif et tendre.
Cet homme là… aimait le bois les outils ce que l’homme  fait de ses mains. Il était doué pour cela aussi.
Cet homme là… aimait les femmes et il a  aimé  une femme entre toutes Minnie son épouse comme on dit son accordée.
Cet homme là... était très doué pour le grommelot portugais.
Cet homme là... avait de très beaux yeux rieurs.
Cet homme là... aimait énormément  faire avec nous ce qu’on appelle "des plans sur la comètes " C’était ces fois-là une autre façon de voyager sur les ailes de nos imaginations, l’embarquement immédiat de tous les copains et lui d'abord sur la chaloupe "La Déconnade " la sœur jumelle de la Désirade,  pour voguer sur la vaste étendue des champs lexicaux concernant les étoiles les fourmis les particules la matière toutes sortes de calculs et de suppositions extravagantes et merveilleuses , des expéditions poético-scientifiques sans queue ni tête que le bout de la nuit.
Cet homme là… comme nous tous portait ses ombres et sa nuit.
Mais c’est le meilleur de lui qu’il nous a offert,
La lumière chaude de l’amitié , tendre fanal sur les côtes accidentées de nos vies.
Cela brille et brillera on le verra de loin et longtemps.  Hissez haut

Champs-sur-Marne le 8 mars 2017

Marc SCHAPIRA

 



 

Témoignage de Sophie Lahayville lu par Laurent Boulassier

Pour toi mon Tot’ mon Toty mon ami
Un petit Tôt’ Aime en prose :
En souvenir de toi de ta belle voix de ton élégance de ta grâce et de ta fantaisie
Magicien de gestes et de mots je t’entends encore me parler des étoiles de la naissance du monde des vents de l’océan et du petit matin 

Èternel gamin je te revois vider pots de miel et pots de confiture savourant chaque minute

Jusqu’à pas d’heure

J’entends ton rire un air de jazz juste derrière
Et pour le reste de ma vie dans mon cœur je garde l'infinie tendresse de tes regards les dernières fois que nous avons été les yeux dans les yeux.

 

Sophie LAHAYVILLE